Le samedi 16 janvier 2021, nous recevions en interview Dominique Charlet, le président de l'association Un autre regard située à Billy-Berclau dans le Pas-de-Calais. Cette association, née en 2017, a réalisé un clip vidéo publié sur YouTube afin de nous inciter à "apprendre de nos différences et voir toutes nos ressemblances". Cette chanson a été réalisée à l'aide d'une union entre huit associations au total. Le but du travail de ce collectif ? Changer le regard sur la différence.

>> Un autre regard : Une chanson pour tout changer ?

C'est le 10 décembre 2020 que la chanson Un autre regard a vu le jour sur Youtube. Cette création a été le fruit d'une collaboration entre huit associations : Les Papillons Blancs de Lille, O’Tom’Nomie, Aidons Agathe, Trèfle, La vie A’dorée, Miss Rondissima, Muzicatouva et bien sûr le collectif Un autre regard. Ce sont aussi 24 acteurs amateurs qui ont participé au tournage du clip, sur les paroles et la voix de Séb Dil, dont également celle de Dominique Charlet.

Dominique nous dévoile tout d'abord que cette chanson aurait pu jamais voir le jour : "C'est parti à la base d'une blague. J'avais demandé à mon petit cousin d'écrire une chanson sur l'association, sur un autre regard, sur la différence. L'idée était partie comme ça en rigolant, il m'a pris aux mots, c'est resté. Il a écrit la chanson en s'inspirant des différents vécus de personnes. Il l'a mis en musique et puis il a proposé d'aller plus loin en faisant un clip pour apporter beaucoup plus de poids à la chanson".

Derrière cette chanson loin d'être anodine, il nous confie qu'il a retenu beaucoup de sourires ainsi que les regards des personnes. Cela l'a beaucoup touché et montre que le tournage a engendré une vraie expérience humaine : "C'est une belle histoire, c'est peu commun". En plus d'être une belle aventure, la chanson a connu un certain succès auprès des internautes puisque la vidéo a été visionnée plus de 22 000 fois. Dominique ne cache pas sa joie : "Une belle surprise, un très beau cadeau. Je suis vraiment content. Je m'attendais pas à autant".

Quelle est alors la portée et le message qui voulait être transmis ? Le président d'Un autre regard nous explique sa vision des choses : "Ca montre une image de la différence dans toute sa splendeur. Montrer que la différence est belle, qu'elle peut être fédératrice. Espérer que ça change un peu le regard sur toutes les différences sur le handicap". En effet, la société peut ressentir des craintes à l'idée de faire le premiers pas vers une personne handicapée. Cette crainte, Dominique en est bien conscient : "Il faut comprendre que les gens ont des fois peut-être du mal à aller vers quelqu'un qui est en situation de handicap peut-être par peur ... Il ne faut pas juger au premier regard et oser passer les barrières et casser les codes ... C'est oublier le fauteuil roulant, la canne ou autre". C'est alors dans cette perspective que les paroles de la chanson ont été écrites.

Un objectif politique est également évoqué. Par ce clip, les acteurs ont voulu interpeller les personnes qui ont un impact conséquent et législatif sur ces questions dont Sophie Cluzel, la secrétaire d'Etat auprès du Premier Ministre chargée des personnes handicapées, ainsi que Marlène Schiappa, chargée de la Citoyenneté au sein du gouvernement de Jean Castex. Le but est donc de faire avancer les choses face aux inégalités qui persistent. De plus, le clip a une valeur pédagogique (s'il est diffusé dans les établissements scolaires) puisqu'il serait un bon outil pour expliquer aux enfants et aux adolescents l'importance d'accepter l'autre tel qu'il est, et de ne pas se contenter de la simple barrière extérieure. Dominique pense à ce bienfait en expliquant :  "Parfois le regard peut être plus violent que les mots".

"La différence peut être d'abord une richesse mais surtout une force".

Au fond, Dominique pense que les personnes en situation de handicap sont les premiers qui peuvent faire changer les choses à condition de les écouter : "Ce sont pas les bien-pensants qui ont les clés, ce sont les gens concernés qui ont les clés de leur avenir, mais il faut leur laisser leurs chances". Pour les aider, c'est avant tout les générations les plus jeunes qui doivent prendre le relais afin d'encourager leurs aînés à prendre les bonnes habitudes : "Ca passe par les enfants en fait. Je pense que c'est eux qui font bouger les choses. C'est eux qui vont pouvoir mettre des petites claques derrière la tête des parents. Il y a encore du travail mais il ne faut pas être défaitiste. Ca peut paraitre des fois utopique d'y croire, mais l'utopie est faite aussi pour la faire mentir". Cet optimisme permet le combat que ces associations mènent. Malgré quelques améliorations dans la société de ces dernières années, les inégalités sont toujours présentes, d'où le combat et la force d'y croire : "Il y a des choses qui ont évolué depuis deux-trois ans. Après le regard des gens, mais souvent ça s'arrête à la place de parking ou à la caisse du supermarché. Ca aussi ce sont des mentalités à faire changer". Cet utopisme est partagé par un bon nombre d'acteurs qui s'allient afin de voir évoluer les choses : "Moi j'y crois, je suis entouré de gens qui y croient aussi. Quand on y croit, on peut faire beaucoup de choses. Dès qu'on commence à être plusieurs, on peut casser beaucoup de murs ... Ce sont des gens qui sont investis et ils ont vraiment mis leur cœur dedans". La force et l'union sont pour Dominique les remèdes nécessaires pour la bonne évolution et une prise en compte juste des personnes en situation de handicap. En effet, beaucoup de choses attendent d'être changées. Nous savons encore aujourd'hui que le taux de chômage est élevé à 19% pour les personnes handicapées, soit presque le double des personnes en âge de travailler. Le président d'Un autre regard insiste sur ce sujet : "Il faut casser les préjugés, que ce soit aussi dans le monde du travail".

>> Retour sur l'association Un autre Regard : le combat au quotidien

Au delà de la chanson au même titre, l'association de Dominique se trouve dans la même perspective : "On essaye de montrer un regard positif de la différence dans toute sa splendeur. La différence c'est une richesse, c'est grâce à ça qu'on a un équilibre dans la vie". Comment lui est venu l'idée de fonder cette association ? Dominique est lui-même l'un des plus légitimes à mener ce combat : "En étant moi-même en situation de handicap, l'idée m'est venue parce que je voulais essayer de montrer que l'handicap ou la différence n'était pas une fatalité au contraire". Sa détermination ? Elle provient de son avidité à réussir : "Casser tous ces codes, la motivation elle est là". L'association Un autre regard comporte à l'heure actuelle une quinzaine d'adhérents. On y retrouve des gens en situation de handicap ainsi que des gens valides motivés. Elle est ouverte à tous et tout le monde peut y adhérer. Dominique rappelle d'ailleurs que c'est un moment de partage, d'échange et de bonne humeur : "C'est aussi de la joie, du sourire, de la création".

Les futurs projets de l'association sont nombreux, dans l'espérance qu'ils puissent voir le jour malgré la crise de la COVID-19. L'ambition est d'aménager un parc pour les handicapés afin qu'ils puissent faire du sport par exemple, ou encore d'organiser un défilé de mode ayant pour thème la fameuse différence. Une date est d'ailleurs prévue, celle du 19 juin 2021 qui a pour titre La nuit de la diversité, et ayant pour but de raconter des histoires variées.

Heureusement, l'association Un autre regard est généralement bien soutenue par les pouvoirs locaux. Elle bénéficie de nombreux partenariats ainsi que d'un travail collectif avec les autres associations de la ville. Cette dynamique permet de faire de belles choses. En somme, c'est dans la proximité qu'elle est soutenue et entendue.

Dominique défend la bataille qu'il mène depuis quelques années : "On reprend vraiment la parole des gens en situation de handicap". Il estime donc que les associations comme la sienne sont des porte-paroles des personnes en situation de handicap. Cependant, il rappelle que le meilleur moyen de transmettre ce discours est de les mettre en avant afin de les écouter : "Il faut vraiment mettre les personnes de la situation au cœur de la discussion". Grâce aux engagements de ces acteurs associatifs, des avancées ont été constatées en trois ans, mais il y a encore du travail à accomplir pour des améliorations plus poussées.

Que reste t-il encore à prouver pour se faire entendre et qu'est-ce qu'il reste injuste ? Selon Dominique, il est indéniable que l'administration doit être plus réactive et plus simpliste afin de faciliter l'accès à toutes les aides possibles : "Simplifier certaines démarches ... un handicap c'est pas demain, c'est aujourd'hui, c'est tous les jours". Enfin, sa détermination est aussi portée par une incompréhension d'une normalité contradictoire quant au système face aux enfants concernés. Ces mots rappellent que les enfants sont les hommes de demain. L'urgence d'une réaction est donc importante : "Un enfant avec un handicap souvent c'est compliqué, c'est la croix et la bannière pour pouvoir aller dans une école "normale", avec ce mot là j'ai un peu de mal, la normalité on ne sait pas ce que c'est".

Vous pouvez écouter la chanson Un autre regard sur notre antenne tous les jours entre 11H et 12H et de 18H et 19H !

Vous pouvez également soutenir l'association de Dominique Charlet en visitant ce lien : https://www.helloasso.com/associations/un-autre-regard-association/adhesions/